R17 Guigues (Concours d'écriture du 25e de BD)


Histoire rédigée par Abigaëlle P. (11e), gagnante du volet 9-12 du Concours d'écriture du 25e de BD

Il va s’en dire que nul n’était au courant de l’existence d’un quelconque secret à Béatrice-Desloges. S’il était arrivé qu’un doute naisse chez certains, ce n’était qu’en lien avec les messages loufoques des salles de toilettes. Se pouvaient-ils qu’ils soient des énigmes cachant une vérité inconnue? Non, mais ce secret était à disposition de tous. Chaque salle de classe le possédait, sauf que ses occupants n’y voyaient qu'un simple objet. Ce secret représentait les téléphones de l’établissement scolaire.

Si on y tapait les chiffres 717 484-4837, cela nous donnait R17 Guigues. Et ce code nous téléportait dans un endroit désert où ne résidait qu’une boîte téléphonique rouge. Pourtant, ce minuscule espace contrastait étrangement bien avec ce qu’on pouvait y découvrir à l’intérieur.

C’est uniquement à la 25ème année de BD qu’une élève de neuvième année fit cette trouvaille. Alors que Maika, une élève de l’Académie des arts en théâtre, filma un projet dans le local de la même matière, elle dû imiter un appel téléphonique. Pour rendre sa création réaliste, voilà qu’elle décida de cliquer sur des numéros au hasard: «Après tout, si ce n’est pas le numéro d’une classe, il n’y a pas de souci à se faire!» 

Au dîner, seule, elle décida d’abord de pratiquer et elle joua son rôle d’adolescente des années 80. C’est lorsque le dernier numéro fut pesé que son cœur se vira dans sa poitrine. Elle fut alors absorbée dans un tunnel infini d’épingles à chapeau, de femmes, de manifestations, de policiers et d’articles de journaux recensant tous la même inscription: Le Règlement 17. 

Ses pieds atterrirent brusquement dans la fameuse cabine écarlate. Il lui prit quelques minutes de choc pour avoir connaissance de cette téléportation à la fois soudaine et appelant à la régurgitation. Prise de panique, elle tenta vainement de s’évader vers le paysage de plaines. Hélas, la porte restait de marbre. Ne lui venait que la simple conclusion de tendre son bras et d’appeler aux secours. Elle prit l’appareil de télécommunication et leva le doigt pour frapper les trois chiffres qu'on lui avait appris dès sa jeunesse. 

Ses yeux devinrent tels des globes de verre tellement elle les ouvrit gros. Sa main resta dans les airs, tremblotante. Il y avait un téléphone, certes. Mais rien qu’un téléphone.   

Elle ne pouvait appeler personne. Ni physiquement. Ni verbalement. 

Même si son cœur lui donnait de nombreux coups de poing à la poitrine et que sa langue semblait se vider de son humidité, son instinct la poussa tout de même à porter le mobile à son oreille. La voix d’une femme résonna.

Bonjour, Maika.

Elle ne sût si elle devait être rassurée ou doublement apeurée. La voix poursuivit.

Je suis Béatrice Desloges. J’espère que tu n’es pas claustrophobe, mais je te rassure, tu ne resteras pas longtemps ici. Tu es ici puisqu’il est temps pour moi de passer mon message. Sache que j’ai été très touchée en apprenant la création d’une école à mon nom. Malgré la hausse d’utilisation de l’anglais au fil des années – ce qui est tout à fait compréhensif! – je suis tout de même choyée de voir tous les Franco-Ontariens encore présents. Porter ce «titre» est, selon moi, l’une des plus grandes fiertés possible… 

Le temps passa où la jeune fille (surprise d’avoir repris le contrôle d’elle-même) continua la conversation avec cette femme grandiose. 

Vient le temps où elles devaient conclure.

Sans trop tarder, si je n’ai qu’une demande à te faire… ce serait d’être fière de parler cette magnifique langue dans un endroit où il était un temps interdit. D’être fière d’être qui tu es, de tes valeurs. Et si tu en es capable, fortifie et partage cette même fierté aux autres élèves de l’école afin que ça continue encore et encore. N’oublie jamais tes racines. 

L’étudiante ne se souvint pas du moment où elle fût de retour dans la réalité. Tout ce qu’elle savait, c'était qu’avant de la quitter, on lui demanda de ne parler de cette anecdote à personne. 

Néanmoins, elle était désormais dans le bureau de la direction. Pour mettre en place un plan d’action. 

Les années suivantes, elle partagera et défendra la fierté franco-ontarienne au travers de découvertes littéraires ou musicales, de manifestations, mais surtout d’authenticité.

Quant à lui, le secret de Béatrice-Desloges resta… un secret. Mais il ne suffit pas de le découvrir pour comprendre notre devoir de franco-ontariens.


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